Conseils avisés de Shabdrung Rinpoché

7 novembre 2018 | Les Chroniques de l'Institut

Madhyamaka, étude et vie quotidienne

Il n’est pas évident de résumer en une courte chronique un enseignement qui porte sur un des textes fondateurs de la voie médiane, l’Entrée en la voie du milieu de Chandrakirti. D’autant que, là où nous en sommes de ce texte, Dongsung Shabdrung Rinpoché nous décrit les différentes versions de la controverse entre les tenants de deux vues philosophiques bouddhistes : ceux de la voie du milieu (madhyamaka) et ceux de l’esprit seulement (chittamatra). Par contre, souvent, en introduction des sessions, Rinpoché donne des conseils avisés et utiles sur la façon d’aborder le Dharma. En voici quelques-uns.

Doutes, étude et méditation

« Je me suis rendu compte que, quand les uns et les autres écoutent ou étudient les enseignements, les choses semblent claires pour eux, mais quand ils mettent en pratique la méditation, c’est alors que les doutes prennent place. Pour ceux qui pratiquent le bouddhisme, il y a deux phases : l’étude, d’une part, et la méditation, d’autre part. Lorsque vous étudiez, n’hésitez pas à amener à la surface toutes vos questions et vos doutes, et ne les laissez pas contaminer votre méditation. Ne gardez pas les doutes et les questions pour la méditation, car cela trouble la pratique méditative et empêche l’obtention des résultats. Il est important de rassembler nos questionnements pendant l’étude afin de clarifier les doutes. Ainsi vous pourrez pratiquer la méditation de façon détendue, claire et précise. »

Honnêteté, intelligence et joie

Rinpoché cite Aryadeva pour préciser ce qu’est l’étude : « Pour étudier l’enseignement du Bouddha, trois qualités sont nécessaires : l’honnêteté, l’intelligence et l’envie de comprendre le sens. Ces trois qualités sont efficaces et aident à intégrer les enseignements. Souvent, quand nous étudions, nous ne sommes pas vraiment honnêtes. Nous avons construit une identité avec des frontières claires qui nous définissent et nous maintenons toutes sortes de concepts sur nous-mêmes. Tant que l’enseignement valide nos frontières, nous l’acceptons. Si nous essayons d’aborder les enseignements avec nos références – je suis un humain, je suis pratiquant, je suis ceci ou cela, etc. – notre compréhension est faussée. » Puis il utilise une de ces formulations qui obligent chacun à se questionner : « Si nous voulons être honnêtes, il nous faut mettre de côté qui nous sommes et les croyances que nous avons sur nous-mêmes. Cultiver des idées très tranchées fausse la compréhension du Dharma. Il s’agit de chercher la réalité sans la pré-concevoir. » Puis il rajoute : « Il faut utiliser notre intelligence et cultiver la joie d’étudier pour comprendre le sens. Si nous nous forçons, l’esprit ne fonctionne pas aussi bien. Nous pouvons étudier en nous forçant, mais nous serons rapidement fatigués. »

Aryadeva : disciple et successeur de Nagarjuna

Bouddha, progression et auditeurs

Plusieurs écoles philosophiques donnent sa richesse aux enseignements du Bouddha ; parfois elles semblent se contredire, comme si le Bouddha cherchait lui-même le sens de la réalité au travers de ses enseignements. Voilà ce qu’en dit Shabdrung Rinpoché : « Chaque école de pensée est une étape qui nous permet de nous rapprocher de la réalité ultime. Le Bouddha a enseigné les différentes écoles selon les capacités des auditeurs. Certains pensent que la progression des trois tours de roue montre l’intelligence de plus en plus profonde du Bouddha, comme si lui-même avait progressivement découvert les aspects de l’enseignement au fil de leur transmission. Mais ce n’est pas le cas. Dès l’éveil du Bouddha, tout était là. Il a ensuite enseigné selon les capacités des auditeurs. Ce n’est pas que le Bouddha aurait rajouté des éléments qu’il aurait découverts avec le temps. Il s’est adressé à différents pratiquants selon leur capacité et il a donné des enseignements appropriés à chacun selon les circonstances. »

Vacuité, souffrance et quotidien

« On peut comprendre le bienfait de l’étude de la vacuité dans la méditation, mais quel en est le bienfait dans la vie quotidienne ? Je ne suis pas certain que cela aide à construire quelque chose dans la vie de tous les jours, mais cela va aider à déconstruire certains aspects de la vie mondaine et notamment la souffrance.
Personne n’est exempt du mal-être ; or la compréhension de la vacuité permet de dissiper cette souffrance. D’un point de vue bouddhiste, la compréhension de la vacuité est le remède essentiel à nos problèmes. Elle ne soulage pas seulement nos difficultés, elle permet d’éradiquer la racine même de l’insatisfaction. Si nous comprenons la vacuité et mettons en œuvre cette compréhension dans notre vie, cela nous aidera à pacifier la souffrance et les causes de la souffrance. Mais en ce qui concerne le confort et notre mode de vie, nous ne pouvons rien garantir ; en effet la réflexion sur la vacuité peut être parfois inconfortable également. »

Je souhaite que cette petite mosaïque de conseils inspire chacun dans sa pratique, que ce soit pour l’étude, la méditation ou l’activité. Je ne peux m’empêcher de constater que, de stage en stage et d’enseignant en enseignant, les instructions aux formes multiples nous mènent sur un même chemin de libération.

Puntso, responsable du programme de Dhagpo