Cours d’été, deuxième semaine – Petit hommage aux traducteurs
C’est grâce à Kiki, l’interprète de khenpo Chödrak Rinpoché depuis des années, que nous pouvons accéder aux mots de l’enseignement, qui est donné en tibétain. Ils sont l’un et l’autre à la croisée de la rigueur et de la précision avec, en plus, une dose d’humour qui donne de l’espace.
Un des versants de la traduction est la rigueur par rapport aux mots. Par exemple, lorsqu’un stagiaire demande le sens du mot mérite, tellement utilisé par les bouddhistes, voilà ce qui est expliqué.
En tibétain, mérite se dit seunam. Seu signifie bon ; cela peut se dire, par exemple, d’un repas que l’on mange au restaurant lorsque le gout est agréable et que la nourriture est de bonne qualité. Dans notre contexte, bon fait référence à un bon état d’esprit et à de bonnes actions. Nam ici signifie valable. Seunam, ou mérite, signifie donc : des états d’esprit et des actes qui, du fait d’être bons, génèrent une valeur.
Un autre exemple, le sens du mot bénédiction. En tibétain, bénédiction se dit djinlab qui, mot à mot, signifie vague (lab) de force (djin). Lorsque des vagues s’élèvent de l’océan, il n’y a pas de différence de nature entre l’eau de l’océan et celle de la vague. C’est le vent qui décide de la force des vagues. Que signifie cette métaphore ? Si l’esprit d’un être est pris par le vent des afflictions, la force des vagues émotionnelles ne transmettra que de la souffrance, il sera donc « béni » par ses afflictions. Si, au contraire, c’est l’esprit d’éveil qui imprègne le courant de l’être d’un individu, sa bénédiction en sera alors le reflet, des vagues de force bénéfiques et un véritable bienfait pour les autres seront naturellement accomplis.
Ainsi, au fil des enseignements, le sens des termes se clarifie. Kiki précise les choses : il y a des traductions générales pour les mots clés des écrits bouddhistes (par exemple, mérite ou bénédiction que nous venons de voir). Les traductions générales sont bonnes, mais elles véhiculent une signification très large par rapport au sens du mot. Elles ne sont pas erronées, mais dans des enseignements précis sur la nature de la réalité, par exemple, la traduction générale utile dans d’autres contextes n’est pas appropriée, car elle ne donne pas le sens précis.
Il faut donc prendre le temps d’expliquer les mots, que ce soit à partir de leur étymologie, de leurs différents sens, de leur histoire, etc. C’est ce que khenpo Rinpoché, l’érudit tibétain, et Kiki, l’interprète occidentale, arrivent à faire par leur maîtrise de leur langue respective et la richesse de leur savoir ; ils nous permettent d’accéder à une connaissance qui sera la base de notre réflexion qui elle-même viendra nourrir notre méditation.
D’ailleurs, à propos du mot méditation, le mot français ne correspond pas nécessairement au sens véhiculé par le mot tibétain. À l’origine méditer, en français, signifie mener une réflexion pour accéder à une certaine compréhension ou à une opinion précise sur un sujet. Gom (méditer en tibétain) signifie cultiver la connaissance obtenue par l’étude et la réflexion : il est question de familiarisation et d’approfondissement du sens jusqu’à en avoir une expérience directe et de moins en moins discursive.
Un dernier point. Comme nous sommes dans le centre européen du Gyalwa Karmapa, il faut que chacun puisse s’abreuver à la source qui lui correspond. L’enseignement du cours d’été est donc transmis en tibétain, traduit en anglais par Kiki et en français par Olivier. Cela permet aux Français, aux Autrichiens, aux Belges, aux Allemands ou aux Suisses présents et qui ne comprennent pas le tibétain de comprendre les mots de l’enseignement. Et quand des Hispaniques participent au cours, l’enseignement est également traduit en espagnol.
La traduction est un des points clés de la transmission de l’enseignement du Bouddha dans les pays occidentaux. C’était déjà le cas lorsque le bouddhisme, venu d’Inde, est arrivé au Tibet. Hommage aux traducteurs et à l’énergie qu’ils investissent depuis tellement longtemps pour nous rendre l’enseignement disponible.
Puntso, responsable du programme de Dhagpo